À Propos

Nicolas Lebrun est né en 1985 à Carpentras (France). Diplômé de l’École des Beaux-Arts de Montpellier, il vit et travaille dans cette ville depuis ses études.

Après une première période (2009-2015) consacrée aux installations interactives questionnant la matérialité et la relation œuvre/spectateur, sa pratique évolue vers des séries systématiques fondées sur l’usage de protocoles de création rigoureux. Ces protocoles permettent à ses programmes d’exister comme créations autonomes et accessibles, se déployant sous des formes protéiformes : numériques/globales, physiques/locales, ou hybrides.

Son travail explore principalement la perception humaine de l’espace et les techniques de représentation de la profondeur sur un plan bidimensionnel. À travers le dessin comme moyen de recherche formelle, il développe un lexique récurrent : cubes empilés évoquant les compositions suprématistes, rendus filaires à l’esthétique rétro, enchevêtrements polygonaux. Cette apparente économie formelle devient le terrain d’une réinvention constante des processus d’altération.

Chaque projet fonctionne comme un système doté d’un état initial et d’un processus de transformation qui fige finalement la composition. Ces mutations revêtent un aspect ambivalent : elles altèrent pour construire ou détruire, parfois créant du nouveau par la destruction même. Cet intérêt pour l’altération d’une composition fait écho à notre rapport aux images et au réel dans l’espace médiatique contemporain. Ainsi, chacune de ses expériences et chaque variation qu’elle produit peuvent être considérées comme un point de vue, une perception ou une déformation de la réalité. Cette transformation de l’image évoque une décomposition ou démultiplication d’un réel plus global — celui de la science, de la société ou de l’histoire. Parfois, les compositions sont elles-mêmes des empilements, des strates où plusieurs processus opèrent simultanément, créant des juxtapositions de formes, un amalgame de différentes perceptions. L’artiste place ainsi le spectateur dans une tension entre plusieurs points de vue qui participent à déconstruire le réel, à le faire diverger.

Ses recherches approfondissent la question des relations d’interdépendance entre les éléments : comment une forme se définit-elle par sa relation aux autres, comment les contraintes structurelles génèrent-elles de nouvelles possibilités expressives ? Ses projets explorent les phénomènes de superposition, d’enchevêtrement et de passage, où chaque élément n’existe que par et dans sa relation à l’ensemble. En multipliant les strates et les perspectives au sein d’une même composition, son travail reflète la condition contemporaine de l’image : cette accumulation de représentations qui se superposent, se contredisent et finissent par constituer un écran autant qu’une fenêtre sur le réel. Ses œuvres témoignent ainsi de la difficulté croissante à discerner une réalité stable sous le flux continu des interprétations.


J’ai, pendant vingt ans environ, produit avec beaucoup d’obstination des œuvres systématiques dont la ligne de conduite a été de réduire au minimum mes décisions arbitraires. Pour limiter ma sensibilité d’« Artiste », j’ai supprimé la composition, enlevé tout intérêt à l’exécution et appliqué rigoureusement des systèmes simples et évidents qui peuvent se développer, soit grâce au hasard réel, soit grâce à la participation du spectateur.

– François Morellet, Du spectateur au spectateur ou l’art de déballer son pique-nique, 1971.